Le charme (discret) de la marque notoirement connue

 

 

Par Jérémy Cardenas, le 10 mai 2023

Article publié dans Légipresse

 

Invoquer une marque notoirement connue est souvent perçu comme un palliatif à l’absence de marque enregistrée. Pourtant, la marque notoirement connue est un instrument dont l’intérêt mérite d’être considéré par le titulaire d’une même marque enregistrée.

 

 

Les titulaires de signes distinctifs connaissent parfaitement le principe, applicable dans l’Union européenne, selon lequel le droit de marque découle du dépôt du signe et de son enregistrement subséquent. L’article 6 bis de la Convention de Paris(1) visant la marque « notoirement connue » (ci-après « marque notoire »), qui constitue une exception au principe susvisé, demeure peu usité par les titulaires de droits de marque. À cet égard, il sera rappelé que la marque notoire fait référence à un signe non enregistré disposant d’un certain degré de connaissance au regard « de la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de son usage ainsi que l’importance des investissements réalisés […] pour la promouvoir »(2). Des marques bien connues du public et pouvant faire l’objet d’enregistrements peuvent donc être qualifiées de notoires.

En pratique, invoquer une marque notoire n’est souvent perçu que comme un palliatif – souvent imparfait – à l’absence de marque enregistrée. Pourtant, les titulaires de droits sur des marques enregistrées et non enregistrées peuvent avoir intérêt à invoquer leur marque notoire au regard (I) de l’obligation d’apporter la preuve d’un usage sérieux de marques enregistrées et (II) du principe de spécialité. En effet, par principe, rien ne fait obstacle à la liberté du titulaire d’invoquer une marque enregistrée ou une marque notoire, voire de combiner les deux droits.

 

I – Marque notoire et contentieux de la preuve d’usage

 

Il y a tout d’abord lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 18 du règlement (UE) 2017/1001 sur la marque de l’Union européenne (RMUE) et de l’article 16 de la directive (UE) 2015/2436 rapprochant les législations des États membres sur les marques, le titulaire d’une marque enregistrée qui ne parviendrait pas à démontrer l’usage sérieux de son signe pendant une période ininterrompue de cinq ans encourt la déchéance des droits sur sa marque. Corrélativement, le défendeur à une opposition, à une action en nullité d’une marque enregistrée postérieure ou à une action visant à lui interdire l’usage d’un signe est recevable à solliciter que le demandeur, titulaire d’une marque enregistrée depuis plus de cinq ans, fournisse la preuve de l’usage sérieux de son signe.

Si, à première vue et sur un strict plan théorique, le titulaire d’une marque enregistrée bien connue et faisant l’objet d’un usage intensif en relation avec les produits et services invoqués au soutien de sa demande ne semble pas susceptible d’être mis en difficulté s’agissant de rapporter la preuve d’un usage sérieux de la marque enregistrée invoquée, le praticien du droit sait qu’il peut en être autrement. En effet, la réunion et la préparation, en vue de leur communication, de preuves d’usage est une tâche particulièrement chronophage, contraignante et source de coûts importants pour les directions juridiques et marketing. À cela s’ajoute le contentieux relatif à la contestation du caractère probant des éléments qui seraient réunis, outre les différentes chausse-trapes procédurales. À cet égard, l’INPI a, par exemple, récemment refusé d’examiner une grande partie des documents communiqués à titre de preuves d’usage d’une marque au motif que, bien que les pièces aient été numérotées, visées et décrites dans un bordereau annexé aux observations du titulaire de la marque, ce dernier n’aurait pas « mis en relation » une partie de ses pièces avec son argumentation, à savoir qu’il n’aurait pas visé le numéro de chaque pièce dans ses observations (un renvoi général à la nature des pièces avait été opéré).

 

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