Les dangers de l’exercice d’une activité de marchand de biens sous couvert d’une SCI

 

| Fiscalité |

 

Réginald Legenre avocat fiscaliste Paris

4 novembre 2025

Article de Réginald Legenre, Magazine EXPRESSION n°107

 

La cour administrative d’appel de Douai vient de juger qu’une société civile immobilière (« SCI ») dont l’activité est requalifiée de marchand de biens exerce une activité occulte entraînant l’application de la majoration de 80% (CAA Douai 28 août 2025, n°24DA01320).
 
La limite de l’activité commerciale

 

Les SCI relèvent le plus souvent du régime d’imposition des sociétés de personnes qui se caractérise par l’imposition des bénéfices à l’impôt sur le revenu, non pas au nom de la société, mais au nom de chaque associé à concurrence de sa quote-part dans les résultats.

Elles peuvent être assujetties à l’impôt sur les sociétés lorsqu’elles ont exercé une option en ce sens ou lorsqu’elles se livrent à une activité de nature commerciale, telle qu’une activité de marchand de biens au sens de l’article 35-I-1° du CGI.

 

Les Faits

 

Une SCI, ayant pour objet social l’exercice d’une activité de location de biens immobiliers avait acquis un ensemble immobilier en octobre 2010. Après en avoir opéré une division en six lots, elle avait cédé trois de ces lots à usage d’habitation le 14 janvier 2012 puis deux autres lots à usage de commerce le 13 octobre 2012. Elle avait également cédé le 31 janvier 2012 une maison à usage d’habitation qu’elle avait acquise le 19 juin 2009. Enfin, elle avait acquis un ensemble immobilier le 19 août 2011 puis l’avait revendu pour partie en 2011 et pour une autre partie en 2017 après avoir procédé à sa division cadastrale.

A l’issue d’une vérification de comptabilité, l’administration a estimé que la SCI exerçait une activité occulte de marchand de biens. Elle a donc procédé à la taxation d’office de ses bénéfices après avoir procédé à la reconstitution de son chiffre d’affaires et l’a assujettie à l’impôt sur les sociétés, assorti de la majoration de 80 % pour activité occulte.

La cour administrative d’appel de Douai a validé la position de l’administration et annulé partiellement le jugement du tribunal administratif d’Amiens.

 

Caractère habituel et intention spéculative

 

La cour a considéré qu’en procédant à l’acquisition, entre 2009 et 2011, de trois ensembles immobiliers, qui ont été cédés, par le biais de cinq opérations, dans un délai variant de quatre mois à un peu plus de cinq ans, la SCI s’était livrée, sur une brève période, à des opérations d’achat et de revente d’immeubles qui suffisent à conférer à ces activités un caractère habituel. Elle a en outre relevé que la SCI avait procédé à la rénovation des biens immobiliers en cause en vue de leur revente et avait réalisé, pour deux d’entre eux, des opérations de division foncière. En outre, trois des cinq biens cédés n’avaient pas été mis en location. Selon la cour, ces circonstances, conjuguées à la brièveté du délai séparant les acquisitions des biens de leur revente, révèlent que la SCI avait, dès l’origine, une intention spéculative. Les deux conditions qualifiant l’activité de marchand de biens étaient ainsi remplies.

 

Une activité nécessairement occulte

 

Dans le cas où un contribuable n’a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu’il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, son activité est réputée occulte s’il n’est pas en mesure d’établir qu’il a commis une erreur justifiant qu’il ne se soit acquitté d’aucune de ses obligations déclaratives. La qualification d’activité occulte entraîne l’application de la majoration de 80%.

La cour considère que les circonstances que les cessions ont fait l’objet d’actes notariés, qui ont été publiés, et que des plus-values réalisées lors des ventes immobilières ont été déclarées par les associés de la SCI ne permettent pas de considérer que la SCI pouvait être regardée comme ayant, elle-même, déposé une déclaration dans le délai légal ou commis une erreur en déclarant les bénéfices tirées de son activité de marchand de biens dans une autre catégorie que celle dans laquelle ils devaient être imposés. Son activité de marchand de biens était ainsi nécessairement occulte, entraînant l’application de la majoration de 80%.

Cet arrêt vient ainsi rappeler la sévérité de la jurisprudence face aux contribuables qui réalisent une activité de marchand de biens sous couvert d’une SCI.

 

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