Qui sème la grève récolte la protection

 

 

Par Guillaume Roland et Hugo Tanguyle 20 janvier 2023

 

La journée d’hier a marqué la première étape de la mobilisation contre la réforme des retraites.

L’occasion pour nous de revenir sur un arrêt récent de la Cour de cassation* qui rappelle à nouveau toute l’étendue de la protection du salarié exerçant son droit de grève.

Pour rappel, la protection du droit de grève a valeur constitutionnelle, et l’article L2511-1 du Code du travail dispose que son exercice ne peut justifier la rupture du contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié.

Tout licenciement prononcé en méconnaissance de ces dispositions est nul.

La nullité du licenciement n’est toutefois pas limitée au cas où le licenciement serait prononcé pour avoir participé à une grève, et s’étend également au licenciement qui serait fondé sur un fait commis au cours de la grève, et qui ne peut être qualifié de faute lourde (par exemple, porter atteinte à la réputation de l’entreprise en distribuant des tracts dénonçant les conditions de travail, ou occuper illégalement les locaux pendant la grève).

La question s’est cependant posée de savoir si cette protection pourrait s’appliquer à un salarié qui aurait simplement encouragé ses collègues à faire grève, sans pour autant exercer lui-même ce droit ou en exprimer l’intention.

En l’espèce, à la suite du refus de la direction d’embaucher du personnel supplémentaire, un salarié d’une société de services financiers avait contacté plusieurs membres de son équipe situés dans des localités géographiques différentes, afin de les inciter à faire grève dès le lendemain, les assurant du soutien des clients de l’entreprise.

L’employeur, y voyant une démarche d’intimidation et une intention de nuire à l’entreprise, l’a licencié pour faute lourde.

Les juges du fond, pour écarter la demande de nullité du licenciement, retenaient que la lettre de rupture ne sanctionnait pas une intention d’exercer le droit de grève, mais simplement l’incitation d’autres salariés à mener une telle action.

La Chambre sociale de la Cour de cassation censure cette décision, au motif qu’il était reproché au salarié « des faits commis à l’occasion de l’exercice du droit de grève ». Le licenciement doit donc être annulé.

 

Notre avis : Pour mieux assurer l’effectivité du droit de grève, la haute juridiction montre sa volonté d’étendre sa protection jusqu’aux phases préparatoires et de concertation du mouvement.

Le raisonnement n’est pas sans logique, car la grève suppose une cessation collective et concertée du travail. Mais où commence l’abus de protection ? Dans le cas d’espèce, aucun des salariés sollicités n’avait donné suite à ces « incitations », et aucune grève n’avait eu lieu…

 

*Cass. Soc., 23 novembre 2022, n°21-19.722

 

 

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