Relation licencieuse, salariée licenciée

 

26 juin 2025

 

| Droit social |

 

   

Guillaume Roland         Hugo Tanguy

 

Aux termes de l’article L1121-1 du Code du travail, l’employeur ne peut apporter aux droits des salariés et aux libertés individuelles et collectives, de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.

Il s’en déduit que le salarié a droit, même au temps et au lieu du travail, au respect de l’intimité de sa vie privée ; un licenciement qui serait fondé sur un fait relevant de cette intimité, viole une liberté fondamentale, et à ce titre, est nul (article L1235-3-1 du Code du travail).

Dans une affaire digne des plus grands « soap-operas », le Président d’une société entretenait une relation adultérine avec l’une de ses salariées.

Son épouse, également Directrice générale de l’entreprise, ayant finalement découvert le pot-aux-roses, a posé à son mari l’ultimatum de licencier immédiatement l’amante indésirable.

N’écoutant que son courage, le Président s’exécute, et licencie l’infortunée salariée.

L’intérêt de l’affaire réside dans le fait que l’employeur choisit de se placer sur le terrain disciplinaire, reprochant à la salariée une série de manquements à ses obligations professionnelles (omission de procéder à une déclaration préalable à l’embauche, non-paiement de salaires…), sans faire aucune référence à l’existence d’une liaison sentimentale.

La salariée conteste cependant son licenciement devant les juridictions prud’homales, considérant celui-ci comme nul car en réalité fondé sur un fait relevant de l’intimité de sa vie privée.

La Cour d’appel constate une atteinte à la vie privée de la salariée, mais écarte la nullité du licenciement au motif que celui-ci n’est pas expressément motivé par l’existence d’une relation amoureuse : elle se limite donc à constater que les motifs disciplinaires retenus sont fallacieux et juge que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

La Chambre sociale de la Cour de cassation* censure ce raisonnement en retenant que la véritable cause du licenciement est la découverte par l’épouse du Président de la liaison qu’entretenait son mari avec la salariée depuis plusieurs mois, et que la rupture était donc fondée sur un fait relevant de l’intimité de la vie privée, de sorte qu’il était atteint de nullité.

Notre avis : La haute juridiction adopte ici une conception extensive du licenciement fondé sur la violation d’une liberté fondamentale, qui semble pouvoir être retenue même si la lettre de licenciement ne fait pas expressément référence à une telle violation, dès lors que celle-ci constitue néanmoins la motivation cachée de l’employeur.

La solution aurait peut-être été différente, et le licenciement validé, si l’employeur, plutôt que de retenir un motif disciplinaire inventé, avait opté pour un licenciement pour trouble objectif causé à l’entreprise.

Un fait relevant de la vie personnelle du salarié peut en effet constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement si celui-ci, compte tenu des fonctions de l’intéressé et la finalité propre de l’entreprise, crée un trouble caractérisé au sein de la société.

 

*Cass. Soc., 4 juin 2025, n°24-14.509

 

 

 

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