La transaction, cette arme de renonciation massive

 

14 novembre 2024

 

| Droit social |

 

   

Guillaume Roland         Hugo Tanguy

 

En droit du travail, une transaction est une convention qui permet d’éteindre de manière amiable un litige existant ou envisagé, relatif à l’exécution et/ou à la rupture du contrat de travail.

Traditionnellement, une telle transaction sera rédigée en des termes généraux, chaque partie indiquant, en contrepartie des concessions effectuées par l’autre, s’estimer remplie de l’intégralité de ses droits et donc renoncer à l’ensemble de ses prétentions.

On sait que la Chambre sociale de la Cour de cassation interprète très largement l’étendue des droits auxquels les parties, en particulier le salarié, entendent renoncer.

Elle y a notamment inclus le bénéfice pour le salarié de droits existant à la date de la rupture du contrat de travail mais n’ayant pour vocation à s’appliquer que postérieurement à celle-ci, tels que ceux résultant d’une clause de non-concurrence (Cass. Soc., 17 février 2021, n°19-20.635).

Elle poursuit aujourd’hui son œuvre de bornage, en visant désormais des droits qui n’existaient pas à la date de la rupture du contrat de travail et de la signature de la transaction.

En l’espèce, une salariée sollicitait devant les juridictions prud’homales l’indemnisation par son ancien employeur, du préjudice d’anxiété que lui aurait causé son exposition pendant son temps de travail à des fibres d’amiante, la société ayant été inscrite sur la liste des établissements permettant la mise en œuvre de l’allocation de cessation anticipée des travailleurs de l’amiante.

Les juges du fond déclarent sa demande irrecevable au motif qu’elle a signé peu de temps après la rupture du contrat de travail, une transaction par laquelle elle « renonçait, de façon irrévocable, à toute instance ou action née ou à naître au titre de l’exécution ou de la rupture du contrat de travail et admettait que plus aucune contestation ne l’opposait à l’employeur et qu’il était mis fin à leur différend ».

La salariée forme un pourvoi devant la Cour de cassation, en faisant valoir que l’inscription de l’employeur sur la liste des établissements permettant la mise en œuvre de l’allocation de cessation anticipée des travailleurs de l’amiante étant postérieure à la signature de la transaction, son préjudice n’était pas né à cette date.

Selon son raisonnement, elle ne pouvait donc être réputée avoir renoncé par l’effet de la transaction, à un droit qui n’existait pas et qu’elle ne pouvait prévoir au moment de sa signature.

Le pourvoi est écarté par la Chambre sociale*, qui reprend son attendu de principe classique selon lequel, dès lors que la transaction est rédigée en des termes généraux, le salarié ne peut plus formuler de nouvelle demande.

 

Notre avis : Le salarié signant une transaction ne renonce pas uniquement aux droits existants dont il pourrait ne pas encore mesurer l’étendue ou la portée, il renonce également aux droits futurs, imprévisibles au moment de la signature.

La solution n’est pas étonnante, tant la haute juridiction entend donner une portée absolue à la transaction. Elle a cependant le mérite d’attirer une nouvelle fois l’attention sur l’importance de la formulation des termes de la transaction en fonction de ce que l’on veut encadrer.

 

*Cass. Soc., 6 novembre 2024, n°23-17.699, 23-17.700 et 23-17.701

 

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