L’entretien préalable n’est pas une garde à vue

 

25 septembre 2025

 

| Droit social |

 

   

Guillaume Roland         Hugo Tanguy

 

L’article 9 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, qui fait partie du bloc de constitutionnalité, consacre le principe de la présomption d’innocence.

Il en résulte traditionnellement le principe selon lequel nul n’est tenu de s’incriminer, qui induit le droit de se taire.

Le Conseil constitutionnel, saisi sur question prioritaire de constitutionnalité, a été amené à se prononcer sur la conformité à ce principe des articles L1232-3 et L1332-2 du Code du travail, relatifs à la tenue d’un entretien préalable lorsque l’employeur envisage de prononcer un licenciement ou une sanction ayant une incidence sur la présence dans l’entreprise, la fonction, la carrière, ou la rémunération.

Les requérants reprochaient en effet à ces dispositions de ne pas faire obligation à l’employeur d’informer le salarié de son droit de se taire au cours de l’entretien préalable, alors que ses déclarations sont susceptibles d’être utilisées à son encontre au soutien d’une éventuelle sanction disciplinaire.

Le Conseil constitutionnel* écarte cet argumentaire, considérant que les garanties constitutionnelles précitées ne s’appliquent que dans le cas d’une peine ou sanction ayant le caractère d’une punition.

Or le licenciement ou la sanction d’un salarié relèvent d’une relation de droit privé et non de l’exercice de prérogatives de puissance publique.

De plus, une telle sanction a pour seul objet de tirer certaines conséquences, sur le contrat de travail, des conditions de son exécution par les parties.

Il ne s’agit donc pas d’une punition au sens des exigences constitutionnelles.

 

Notre avis : L’argument développé par les requérants à la QPC semble perdre de vue la raison d’être première de l’entretien préalable.

Certes le salarié peut s’incriminer par ses déclarations, mais n’oublions pas que l’entretien préalable lui permet avant tout de formuler ses explications sur les griefs qui lui sont reprochés, et ainsi, potentiellement convaincre l’employeur de sa mauvaise appréciation des faits ou de la légitimité de son comportement, évitant ainsi la sanction.

Selon nous, inciter le salarié à se taire conduirait paradoxalement celui-ci à renoncer à une partie de son droit à assurer sa propre défense : si une personne gardée à vue a le droit de se taire, c’est parce qu’elle bénéficiera par la suite d’un procès pénal contradictoire et équitable ; pour le salarié en revanche, l’entretien préalable est la dernière chance de se justifier…

 

*Cons. Constit., QPC, 19 septembre 2025, n°2025-1160/1161/1162

 

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